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room (and board)

3 juin 2009

La petite chaîne dorée

Lorsqu’elle retire la nappe en coton écru j’aperçois la naissance de son cou et une minuscule petite chaine dorée. Je vois sa nuque lisse et ses cheveux blonds remontés. Je sens Eau des Merveilles, je sens sa peau, sa peau poudrée, la douceur de sa peau. Elle me sourit. J’enlève mon casque, elle me demande si je désire un autre café qu’elle me sert avec un assortiment de trois petits gâteaux : un financier, un calisson et un rocher coco dans une petite timbale en papier doré.
Sa taille fine est ceinturée de rouge, ses yeux sont remplis d’une belle tristesse ; je devine le jet-lag et une nuit sans dormir. A Rio tu feras la fête m’avait dit Claudia. Elle, elle l’a peut être fait. Ou pas. Je ne sais pas. Nous nous en tenons aux dialogues d’usage, elle me sourit, son sourire me suffit. Je remets mon casque, elle tombe sur moi. Un bruit assourdissant, du sang sur ma main, mes tympans qui explosent. Je ne sens plus mes dents.
Je tombe.
Nous tombons.
L’avion chute. L’avion chute.
Je ne peux pas hurler.
J’ai froid.
Mon thorax.
Mon visage écrasé sur l’écran.
Vite. Un vrombissement lourd, sourd, un cri strident aussi. Des.
Je tombe.
J’ai froid. Je tremble, je mords ma langue.
Je n’entends que mes tympans qui pissent le sang.
Je vois.
Les étoiles. En vrille.
Un sac à dos, des bouteilles de vin, de l’eau, la pluie, j’ai froid. Un trou.
Un sifflement abominable transperce la nuit orageuse.
Un corps lourd qui s’écrase sur mon dos.
Mes os craquent.
Maman.
Je.
T.
Aime.
Mon œil droit est aveugle. Vide.
Je hurle dans mon poing que je ne sens plus.
Elle serre mon bras, arrache le tissu de ma chemise, je me retourne, l’attrape par les cheveux, son corps se disloque dans une tempête de froid, elle disparaît, j’ai mal au ventre, aux dents.
On tombe. Maman je t’aime ! Les étoiles, la nuit, je vais mourir, mourir, non pas là, mourir, pas là, mourir, pas moi, on va se redresser, mon Dieu, mon Dieu, pardon, une couverture rouge, prier je ne peux pas, un enfant heurte le hublot, du sang sur ma joue, je t’aime, un coup sur ma tête, un son qui sort enfin de mon corps compressé, je hurle parce que je, mon ventre choque contre ma colonne qui craque, pardon, je ne t’ai pas dit hier que je t’aimais, l’hôtesse, l’hôtesse, ses cheveux, je ne sens plus son parfum, j’ai sa chaîne en or dans mon poing , je suis recroquevillé devant mon siège, écrasé, ma jambe, ma jambe; on descend de plus en plus vite, du métal lourd, un hurlement, des hurlements, je ne vois plus rien, je sens un

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23 février 2009

Algebra


J’ai pris un bain avec Thom Yorke. J’ai pris un bain gris, dans de l’eau tiède, juste tiède, à peine tiède - froide en fait. J’ai glissé lentement sous l’eau pour écouter les vrombissements, le ronronnement, les petits bruits sourds qu’on entend qu’en dessous ; les battements de mon cœur, les hurlements intérieurs. De battre mon cœur. Deux jours que je suis là. Deux jours et une nuit à prendre des bains pour noyer mon chagrin - parce que dans une baignoire il y a le petit clapet anti-débordement qui fait clap clap comme fait un clapet anti-débordement et que là, tu vois, il est vraiment utile.

J’ai  fumé, écouté les gouttes tomber dans l’eau savonneuse, j’ai lu les belles phrases que j’aurais voulu t'écrire, j’ai écouté The Eraser en boucle, je me suis endormi et je n’ai pas rêvé de toi. It gets you down. It gets you down.

Je me suis rêvé Marat, je me suis rêvé baignant dans mon sang pourri – tu m’as planté en plein cœur, tu sais là où ça fait aïe. Pourtant. Le cœur est un organe creux me dit Wikipédia. Contractions rythmiques. Et pourtant j’ai crié pour te dire que j’étais là. On ne s’en est pas rendu compte sur le coup ; on a voulu jouer. J’ai pleuré. Je pleure. C’est dingue ce qu’on peut contenir comme larmes, je pataugeais dans la chambre, j’ai mis une serviette blanche roulée devant la porte – rester discret, ne pas ameuter le reste de l’hôtel – et je me suis laissé aller. Là, j’ai vu ma déchéance, la platitude de mes ambitions, la décrépitude de mon évolution ; je descends des primates, juste là, le chaînon mentant - j’ai bien appris à faire le singe. You’re just playing a part.

J’ai la peau des doigts qui craquelle. J’ai les yeux rougis. Bouffis. Bouffon tu as lu ? Après tout tu as peut-être raison. Je deviens un vieux con. Je ne te l’ai pas dit. Je l’ai pourtant entendu. Allez viens sors ! Tu me dis ça comme le Christ à Lazare. Sors! Sors de ton bain ! Tu veux ma mort ? Tu m’as hissé hors du bain, essuyé comme un bébé, sur mes lèvres tu as déposé ton baiser, de battre mon cœur ne veut plus s’arrêter. Et j’ai vidé l’eau du bain, comme tu voulais, même si tu n’es pas là – tu vois que je sais te faire plaisir, même quand tu n’es pas là. Surtout.

 - dire en confession que je me suis pris pour Lazare -

- retourner me confesser -

- ne rien faire en fait -

J’ai traversé nu la chambre trempée et je me suis plaqué contre la grande vitre qui donne sur le vide. Il y a la vitre. Et puis j’ai des ailes. Dehors il pleut à son tour. Parce que dedans j’ai envie d’être un peu mieux. There’s no time to analyse.

12 février 2009

Lilac Wine

Sur la table de nuit un exemplaire d’ « Aimez-vous Diams ? » signé de l’auteur aurait pu me faire dégager sur le champ.

C’était sans compter – je ne compterai donc pas. Brahms ! Tu ne sais pas lire? Je ne lis pas encore à l’envers. Tu l’es. Quoi ? A l’envers. Il est gentil le petit pépère avec son look de rocker propre au milieu d’une île de bouquins cornés et de feuille à carreaux griffonnées. Il lit donc. Je lis et je note. Je recopie parfois, ça me donne des idées pour. Tais toi, ne me dis pas. Pour écrire ?

Il baissa les yeux, passa la main dans ses cheveux bruns. Je vis sa nuque lisse et fine. Un rayon du soleil de Paris, le matin, c’est joli sur une nuque, à l’orée d’un tee-shirt noir No Drugs for my Daddy. C’est joli. Le tee-shirt aussi. J’écris pour – en fait je pense que tu ne le sais pas, moi je ne le sais toujours pas, ou plutôt si sans doute parce que je n’ai pas trouvé meilleure thérapie à – ne pas te ressembler. Ne pas me quoi ? La sentence tombe, comme partout, tel un couperet. Slashhhh ! Je veux trouver ce que tu ne trouves pas, creuser là où tu ne cherches pas. Je veux savoir qui je suis ; tu fuis toi, tu vois ? Tu as plus de 30 ans – lui sait compter – et je ne veux pas un jour te ressembler. Tu vois ?

Là, je vois qu’il est 6h et des poussières dans le rayon du soleil – toujours le même, le temps traîne ici – et qu’il est l’heure de fumer un peu d’herbe pour justifier l’arrogance de son propos. Lui m'imagine encore sortir du Pulp – le Pulp est mort – avec un walk-man Sony auto reverse sur les oreilles. Lilac Wine de Buckley, il n’y avait que ça qui s’écoutait en sortant du Pulp. Grace 1994. Grace.

 

Aimez vous Diams ? Comment ais-je pu ?

On mettra ça sur le compte.

Je ne compte pas, c’est vrai.

En tirant sur mon joint je le regarde se lever et enlever le Papa sans drogue qu’il balance sur son vieux Clic Crac; jean noir moulant, un corps taillé au rasoir. Je fais genre je ne vois rien. Je ne suis pas encore assez vieux pour compter sur. Je ne compte pas. C'est écrit pourtant.

Il s’approche de moi, m’attrape par le cou et me susurre à l’oreille baise moi comme dans tes textes. Y aurait-il au moins ça de bien écrit ? Je n’ai pas dit ça. Baise moi comme tu écris, sans réfléchir, vite, sans relire. Et sois prétentieux. Juste un peu. Tu n’es pas encore vieux.

Alors nous avons baisé et je l’ai bâclé, sans inspiration aucune.

Juste très énervé qu’à son âge de merde il sache lire entre mes lignes.

21 janvier 2009

Betty Catroux et Tatiana P

Betty Catroux n’apprécia pas le coup des pompes ferroviaires ; et me le fit savoir, rendez-vous fut pris entre deux pages, au coin d’une ligne, au bout d’un paragraphe, je vous attendrai, me dit-elle. J’attendis une nuit entière.

Elle arrive au petit matin. Saint Lunaire. La ballade d’Eddie S sous le bras, version maxi 45 ; de nos jours c’est introuvable. Même lui ne l’a plus. Elle regarde La Notte La Notte que j’ai posé sur la table basse au cas où - ou Catroux - au cas où donc, lui viendrait.

Elle est belle. Trench. Ou parfois pas ; je peux sortir sans rien. Elle fume déjà, je fume plus qu’elle. Je fume plus que vous – là, elle fait style, genre, je n’ai pas entendu, de toutes façons je ne vous écoute pas, je suis là pour autre chose. Elle entame une série de pompes. Je mange un ongle.

Eddie se lasse et voyage en première classe.

Elle me parle du Palace- c’est dégueulasse ce qu’ils ont fait au Palace ; j’ai pleuré sur le carrelage – tout pareil, à mon siège aussi - me parle de déplacement dans l’espace, de classe, du feu ? J’ai soif. Aussi. Elle verse de la vodka dans son Ryokycha Midori – moi aussi je suis un samouraï – et me dit qu’elle ne comprend pas pourquoi. Pourquoi quoi ? Pourquoi Tatiana P ne m’aime pas. Sans doute parce que je ressemble à la sœur du Pape – appeler Tatiana. Non Room je ne connais pas la sœur du Pape (Tatiana raccroche furax : on ne réveille pas Tatiana pour lui parler de la sœur du Pape - on ne réveille pas Tatiana)

Il est presque 6 heures. Betty pleure.

Il est 6 heures. Et je vide mon sac à dos. Trop lourd ; j’ai brûlé ma jeunesse par les deux bouts, je commence à me consumer doucement et j’aime la douce tranquillité de cette mort lente. J’ai allumé le feu et je le regarde vivre.

Vivre.

Je m’incinère vivant.

Betty n'est pas là et Tatiana ne répond pas.

12 janvier 2009

Mademoiselle Agnès et le turban bleu


- Mais qui est donc cette Mademoiselle Agnès?

- C’est une sorte de rédactrice de mode, Grand-Mère, une journaliste quoi.

En robe longue ? Dans sa cuisine ? Grand-Mère referma le Figaro Madame, soupira et leva au ciel ses yeux creux. On ne cuisine pas en robe de bal ; lorsque nous habitions Lyon nous avions des gens - jamais Grand-mère ne franchit le seuil d’une cuisine. Ni d’un office.

Elle se mit alors à fredonner le Chant des Partisans. Lalalala le cri sourd….lalalala….ton Oncle Hubert était dans les FFI. Nous avons résisté tu sais. J’ai froid aux épaules. Mathilde ! Qu’est ce qu’elle fait cette dinde ? Mathilde ! Elle faisait tourner des bagues lourdes autour de ses doigts décharnés et fixait mes cheveux ras. Tes cheveux sont trop courts. Je n’aime pas ça.

La petite pendule sonna 4 coups. Elle ne la remonte jamais. Elle ne fait rien bien de toute façon ; Mathilde me fatigue. Mathilde ! Nous ne connaissions pas les Laval. Jamais. Non jamais.

Je regardai ma montre. Ne pars pas. Tu as besoin d’argent ? Que voulez-vous Monsieur ?

C’est moi Grand-mère. C’est Room. Tu as besoin d’argent ? J’en ai encore, tu sais. La grosse Mathilde vint remettre le châle sur les épaules de Grand-mère et manœuvra le fauteuil roulant, marche arrière, demi-tour droite, direction Question pour un Champion. Je déteste la télévision. Ami entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaine ? Lala lalala mmm lalalalala c’est l’alarme….Nous n’avons pas dénoncé. Arrêtez de me pousser idiote ! Tu m’entends Room? Lala lalala connaîtra le prix du sang et des larmes, lala lalala lalalalala…..Au revoir Monsieur.

Au revoir Madame.

Grand-mère s’éloigna lentement en crissant des pneus, oubliant le temps où sur ses cheveux tondus elle portait un turban bleu.

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9 janvier 2009

Détails

Hier j’ai pris le train pour aller. On s’en fout. J’ai pris le train.

Je ne l’avais pas pris depuis je ne sais plus - ce n’est pas le sujet. Depuis un temps certain.

J’étais assis en face d’une femme d’un âge qui n’apportera rien à ce récit. C’était une femme. Pas une jeune fille.

J’étais assis en Première, Duo, sens de la marche, wagon 12, place 7, service à la place, une hôtesse muette, physiquement assez, enfin qui ressemblerait plutôt à – je reviendrai dessus plus tard. J’avais choisi « l’espace silence » parce que la veille j’étais – ça ne regarde que moi.

Je n’ai acheté ni bouteille d’eau, ni de cake aux fruits ; la voiture-Bar était bondée de costumes cravates qui parlaient d’une crise et d’un froid qui - parait-il - minent le moral des français. Pour ma part, j’ai un travail, je vis au dessus de vos moyens et j’ai des pulls chauds. J’ai donc quitté la voiture-Bar. Détail sans importance.

J’ai ouvert un livre sans titre que je lisais avec concentration, pour faire sérieux. Pour donner l’illusion. Il n’y avait rien dedans. Sauf un point. Sur lequel je n’insisterai pas. J’ai sorti un livre et la femme ne me parla pas.

J’ai pris le train comme on prend le temps.

Il y eut des gares parfois ; les voyageurs descendaient, ordinateurs sous le bras, un zèbre borgne en chemisier grillait une clope sur le quai, une femme rangeait ses enfants dans son poudrier. Betty Catroux faisait des pompes entre deux wagons.

J’ai pris le train pour fuir des détails. Pour avoir le temps.

Hier j’ai juste pris un train.

Avant de rentrer.

4 janvier 2009

Option 3

Il me dit que j’ai tout.

Une femme et des enfants blonds, des amants qui gémissent, un appartement avec vue sur le monde, un salaire indécent, des photos de famille où tout le monde sourit. Je suis bronzé.

Nourri, logé. Cramé.

J’ai des vêtements encore étiquettés, des souliers sur mesure et un placard à cravates.

Il me dit que j’ai tout.

Un livre qui a été lu, des piges qui rapportent, un éditeur qui grossit et une épouse qui noie son ennui et mon fric dans un sac trop grand pour ses bras minces. Des sacs. Deux bras.

J’ai tout. Il me dit.

De l’argenterie de famille, un plaid Hermès - tu te souviens du plaid Hermès ? – et des coussins blancs sur un canapé trop grand.

Tu as tout et je n’ai plus rien.


Alors je me suis séparé de ma femme. J’ai vendu mes enfants avec le sac trop grand. J’ai vidé mes armoires, éparpillé mon dressing et mangé mes livres. J’ai renvoyé mon éditeur ; il a maigri. Mes amants me manquent à peine.

J’ai vidé ma tête, j’ai arrêté d’écrire mais j’ai gardé le plaid Hermès.

Il me disait que j’avais tout.

Il me dit que j’en fait trop.

30 décembre 2008

Option 2

- Prends un enfant, me dit Maddie

 - Ouate ? -  la dinde recracha ses marrons, la buche leva les yeux au ciel - ouate ? Un enfant ? Le chéri de sa maman, le machin intouchable, insupportable ; prendre un enfant ? Tu sais dans quel monde on vit ici ? On traque les pédophiles, on ressort le petit Grégory de la Vologne. Je n’imagine pas prendre un enfant alors que me prendre en main relève déjà de Mission Impossible 8 - avec le retour de Béart sous un masque en latex – Et puis un enfant c’est pas mon truc.

- Prendre un enfant, Room, pas prendre prendre, mais prendre comme à Los Angeles ; tu sais, là-bas on prend un enfant, comme on prend un psy ; c’est nouveau. Jennifer Aniston en consulte un. Il y a des cabinets spécialisés, on les recrute pour leur aptitude à poser la question qui tue, le truc qui te fout une claque une bonne fois pour toute. Tout est basé sur l’innocence du môme, sa naïveté devant tes questionnements d’adulte. Une séance a suffit à Pierrepauljacques. Perso, j’ai été suivie pendant six mois ; pourquoi t’as pas de mari Maddie ? Pourquoi t’as pas de mari ? Hein dis ? C’est qui la dame qui ressemble à un monsieur ? Pourquoi elle met des cravates moches? Ça m’a couté un œil - sous sa mèche blonde un pansement Hello Kitty cachait une orbite vide, la Elle Driver du smicard – mais maintenant je vois clair. Je sais où je vais. C’est dur, ça te pousse dans tes tranchées (retranchements ? je ne sais plus, bref) tu n’imagines pas le bien que ça peut faire un enfant. Il n’est là que pour toi, il n’attend rien, même pas un bout de pain, une soupe, une chaise, un coin dans l’étable.

La buche soupira.

La dinde croisa ses pattes déplumées.

Madame Maddie réajusta sa cravate moche et Maddie lui sourit.

 

J’ai appelé Kids & KidsTherapy pour un bilan personnalisé, nous ciblons vos névroses, un enfant vous attend, call one toutou one.

Hello Mr. Room, we were waiting for you.

Ils m’ont trouvé un petit con.

Je suis parti pendant un an.

 

J’ai dessiné des moutons.

26 décembre 2008

Option 1

Tu as fui ? me demanda-t-elle en cochant réponse b sur le test « quelle infidèle êtes-vous ? » de Marie Glaire - celui de décembre avec les cadeaux à moins de 50€. Tu as fui ?

Oui. Je me suis retiré dans le bruit, je me suis entouré de vacarme pour fuir mes hurlements. J’ai fait venir des grosses caisses, loué des klaxons pour des prestations forfait week-end, j’ai trainé sur des chantiers. J’ai gardé des enfants. Ceux qui braillent. C’était bien.

Je ne m’entendais plus.

Ce jour là, je me suis remis à parler, à articuler comme sur mon clavier. J’ai même réussi à discuter. Ce fut bref. Mais le ton est monté ; lui criait plus fort que mon cœur, faisait des gestes larges et ses yeux bougeaient dans tous les sens.

J’ai parlé avec des mots, des phrases jolies et bien faites, je parlais de moi parfois, souvent, je n’écoutais plus, je n’écrivais plus. Je savais enfin parler.

Qu’est-ce que tu répondrais à la 5 ; vous seriez plutôt a- un bœuf bourguignon, b- un jambon beurre cornichon, c- une salade César ou d- un bol de soupe bio ? C’est dur non ? Tu ne voulais plus rien dire ? C’est ça hein ?

Je ne voulais plus rien dire, c’est ça hein, plus rien dire – des yeux perdus entre un bol de soupe et une laitue iceberg stérilisent à jamais toute tentative de discussion – j’ai fui, tu vois, tu vois bien là, le silence dans lequel j’étais si bien. Parce que je voulais entendre autre chose que moi, entendre ce qui se passe. Pas écouter. Entendre, subir aussi.

Ça t’a plu ?

La d- c’est bien non ?

Je me suis tu.



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